Communiqué de l’Association des chercheur·es et enseignant·es didacticien·nes des langues étrangères (Acedle) sur la réforme de la formation et du recrutement des enseignant·es
https://acedle.org/
L’Association des chercheur·es et enseignant·es didacticien·nes des langues étrangères (Acedle) s’associe pleinement au communiqué de la SAES figurant ci-dessous en annexe et souhaite insister, en complément, sur les points suivants :
- Elle déplore l’absence totale de concertation dans la construction du projet de réforme, en particulier depuis l’année dernière ;
- Elle s’inquiète de l’absence de formation à la prise en compte de la diversité des élèves, notamment de leur diversité linguistique et culturelle, à rebours d’une conception holistique des enseignements langagiers intégrant l’ensemble des langues-cultures de l’Ecole et présentes au sein de l’Ecole (français, français langue de scolarisation, français langue étrangère, langue(s)-culture(s) de migration, langue(s)-culture(s) étrangère(s), etc.);
- Elle regrette l’absence d’une formation didactique aux langues-cultures et au plurilinguisme dès la licence, notamment pour le professorat des écoles et les CAPES de langues et de lettres ;
- Elle revendique le maintien d’un mémoire de recherche dans le cadre d’une formation professionnalisante universitaire de niveau Master, comme cela est le cas dans d’autres pays ;
- Elle insiste sur le caractère essentiel d’ouverture à l’international de la formation permettant aux futur·es enseignant·es de faire l’expérience d’autres systèmes éducatifs et permettant aux enseignant·es de langues de bénéficier d’une expérience personnelle et professionnelle dans un pays dont ils vont enseigner la langue ;
Autres associations signataires de ce communiqué (liste ouverte, en cours de constitution)
- Asdifle, Association de didactique du français langue étrangère, https://asdifle.com/
- AFLA, Association française de linguistique appliquée, http://www.afla-asso.org/
- Ranacles, Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur, https://www.ranacles.org/
- TRANSIT-lingua, Travaux en Réseaux, Approches Nouvelles en Situations Interculturelles et Transnationales, https://transitlingua.org/
- AGES, Association des germanistes de l’enseignement supérieur, http://ages-info.org/fr/.
Annexe
Communiqué de la SAES sur la réforme de la formation et du recrutement des enseignants
La Commission Formations de la SAES, réunie le 7 avril 2025, déplore que soit imposée à la communauté universitaire une nouvelle réforme de la formation et du recrutement des enseignants et ce, sans consultation préalable et à marche forcée. Celle-ci semble ignorer les nombreuses inquiétudes et objections formulées il y a un an sur une proposition de réforme identique.
Cette réforme s’articule autour d’un concours de recrutement positionné en cours de troisième année de licence (L3), ce qui de facto réduit la formation disciplinaire des futurs enseignants de langues vivantes à seulement quatre semestres acquis, le premier semestre de la licence n’étant plus un semestre de spécialisation. Or, un recrutement à Bac+2 ne permet pas de garantir la maîtrise de contenus disciplinaires indispensables à tout enseignant du secondaire. Il est par ailleurs illusoire de penser que le déficit de formation disciplinaire pourra être comblé en Master alors que les lauréats du concours auront à se concentrer en priorité sur des questions pédagogiques. En outre, le positionnement du concours en troisième année de licence sera un frein au départ des étudiants de langues vivantes en mobilité, généralement en L3 à l’heure actuelle, pour consolider leurs compétences langagières et (inter)culturelles in situ.
De plus, une réforme qui impose un « engagement à servir » de quatre ans, alors que les lauréats des concours feront leurs premiers stages en Master et n’auront pas été initiés à la didactique de leur discipline en licence, semble totalement contre-productive car elle risque fort de décourager les candidats potentiels qui n’auront pas pu se faire une idée concrète de ce qu’est la profession d’enseignant de langues avant leur entrée en Master. Est-il même pertinent d’imaginer des passerelles vers d’autres formations quand on sait que les lauréats des concours inscrits en Master devront rembourser les sommes versées durant leur formation s’ils décident, lorsqu’ils seront confrontés aux réalités du terrain, qu’enseigner n’est pas une profession qui leur correspond ?
Enfin, une réforme de la formation de niveau Master qui ne vise pas à former les enseignants de demain à la recherche et par la recherche repose sur une vision étriquée et rétrograde de la profession : l’abandon du mémoire de recherche, remplacé par un « mémoire de stage », alors qu’il s’agit d’un élément essentiel au développement d’une pratique réflexive, représente un retour en arrière de plus de 30 ans. Le modèle de formation imposé par la réforme est celui de l’artisan, selon lequel des pratiques modélisantes à reproduire seront présentées par des formateurs repérés par les inspecteurs. Il ne s’agit plus de sensibiliser les enseignants aux outils et démarches issus de la recherche pour résoudre des problèmes de terrain de manière raisonnée et autonome, mais simplement de leur donner des recettes à appliquer, faisant d‘eux de simples exécutants et non plus des praticiens réflexifs.
La Commission Formations de la SAES ne peut souscrire à une telle vision de la profession d’enseignant de langues et demande instamment aux deux Ministères portant cette réforme de revoir leur copie et d’ouvrir de réelles négociations avec les premiers acteurs concernés, qui se trouvent être les mieux placés pour donner un avis éclairé sur la question : les enseignants et enseignants-chercheurs des universités et des INSPE.